Olivier Kourilsky est médecin, professeur honoraire au Collège de médecine des Hôpitaux de Paris. Son dernier roman le 7ème péché a reçu le prix du polar, Aumale (vous pouvez retrouver ma chronique ici ) . Et si on essayait de faire un peu plus connaissance ...
Pourquoi avoir gardé comme pseudo
Docteur K ? C'est la nostalgie de votre ancien métier ?
Enfin peut être pratiquez vous encore la médecine ?
Ce
surnom m’a été donné par un ami photographe lors de notre
première rencontre, et il l’a utilisé dans l‘article qu’il a
écrit à propos de mon premier roman (Meurtre à la morgue).
Petit-à-petit, tout le monde s’est mis à m’appeler comme ça,
aussi bien à l’hôpital (j’ai quitté le service que je
dirigeais il y a quelques années mais je continue effectivement à
exercer la médecine à temps partiel) que dans le « milieu »
littéraire, y compris mon éditeur ! J’ai même hésité à
signer de ce pseudo mon dernier polar, mais j’ai préféré garder
mon nom pour ne pas brouiller les pistes ! D’ailleurs, j’ai
eu une grosse frayeur une fois au Livre sur la place à Nancy… À
l’accueil, on ne retrouvait pas mon nom sur la liste des invités :
j’étais inscrit sous le nom de Docteur K…
Dans votre roman, on sent que le médecin n'est jamais loin... le milieu hospitalier reste un point
central de vos œuvres, pourquoi ne pas s'en détacher ?
J’ai
envie de vous répondre : pourquoi s’en détacher ? Dans
un secteur très prolifique, cet environnement donne une ambiance
particulière à mes romans, qui peut intéresser certains lecteurs.
Le grand paresseux que je suis doit fournir moins d’efforts de
documentation pour le décrire. J’ai toujours été passionné par
la médecine depuis mon plus jeune âge et je n’ai jamais regretté
mon choix malgré toutes les difficultés et les sujétions de ce
métier. Cela me permettait d’en témoigner. Je parsème les
histoires d’anecdotes réelles. Dans les premiers romans, j’ai
tenu à évoquer des situations que les plus jeunes ne connaissent
heureusement plus depuis 1975 : les avortements clandestins.
Lorsque j’étais externe en chirurgie, nous en voyions 10 à 15 par
garde ! Plus tard, en réanimation, c’était environ 3
complications gravissimes par mois, des morts, des séquelles graves…
C’est quelque chose qui m’a profondément marqué et je pense
qu’il est important de le rappeler.
Cela
dit, parler de ce milieu n’est pas un exutoire, plutôt une
particularité. Du reste, les 5ème et 6ème romans
(Dernier homicide connu et Homicide postmortem) sont plus policiers
purs, même si, des personnages médecins y interviennent. Le 8 ème
s’en éloignera sans doute aussi. J’essaie de varier un peu les
situations à chaque fois. Une autre particularité est qu’il y a
volontiers des personnages récurrents, qui prennent de l’âge au
cours d’épisodes indépendants les uns des autres. On peut lire
mes polars dans n’importe quel ordre, mais cela donne une certaine
unité à l’ensemble.
Qu'est ce qui à fait que vous avez souhaitez écrire des romans
policiers alors que cela ne correspond pas à votre carrière professionnelle ? Une passion pour ce genre littéraire
peut-être ?
C’est
vrai que je lis beaucoup de romans policiers, entre autres. Mais
surtout, j’adore raconter des histoires qui captivent les lecteurs.
Le genre policier était un bon moyen pour cela. De plus,
l’établissement d’un diagnostic médical a beaucoup de points
communs avec une enquête policière : interrogatoire, recherche
d’indices, mise en corrélation,… Le genre policier n’interdit
pas, évidemment, de peaufiner le style et l’écriture. Chaque fois
que je remets un manuscrit à mon éditeur, je sais qu’il y aura
deux à trois mois de corrections et de travail sur le texte. C’est
dur pour l’ego mais indispensable pour la qualité et la fluidité
du texte.
L'idée d'un roman germe pendant
combien de temps avant de vous lancer dans l'écriture ?
D'ailleurs comment arrive une histoire ? suite à une
conversation, des anecdotes, un rêve ..
En
général, j’attends d’avoir un synopsis bien clair dans ma tête,
cela peut prendre plusieurs mois. Je note les points importants sur
un cahier d’écolier ! Ensuite, quand l’histoire est bien
mûre, je commence à écrire (sur ordinateur, texte formaté pour
que le nombre de pages corresponde à celui de l’ouvrage terminé).
Bien entendu, avant, il y a aussi tout le travail de documentation,
variable suivant le thème choisi. Je suis assez maniaque sur ce
point, parfois trop (dans le 2ème, meurtre avec
prémédication, qui se passe en Bretagne dans les années 70, j’ai
été jusqu’à vérifier l’horaire des marées !). Je vais
repérer les lieux afin qu’ils correspondent bien à la description
qui en sera faite, prendre des photos (pour le 7ème
péché, j’ai été voir la rue où se passe l’accident à
minuit, pour vérifier si l’endroit s’y prêtait bien, explorer
le tunnel où vivait le clochard !). Je me renseigne auprès
d’amis policiers, ou d’autres personnes suivant le thème choisi.
C’est cela qui est passionnant. Quand on écrit, on s’instruit !
Et même s’il s’agit d’une pure fiction, sans tomber dans le
genre « les experts », il faut éviter les
invraisemblances. Après, c’est le miracle de l’écriture. Des
idées viennent en cours de route, rebondissements, nouveaux
personnages… La rédaction me prend entre 6 à 9 mois, sans compter
les corrections ultérieures avec l’éditeur.
Je
ne mets habituellement pas en scène des faits divers réels. Je suis
toujours à l’affût d’anecdotes vécues, soigneusement notées
après des conversations, que je peux retravailler et intégrer dans
mes histoires. Le thème me vient à l’esprit plus ou moins
spontanément : un groupe d’étudiants en médecine confrontés
à des meurtres dans leur entourage ; un jeune médecin breton
qui trouve en sortant d’un bus les papiers d’une jeune fille dans
sa poche d’imper (cela m’est arrivé !) ; une histoire
qui prend ses racines pendant la guerre d’Algérie ; un
pitoyable personnage de « Don Juan » ; deux frères
marqués à jamais par un souvenir terrible, mais qui prennent des
chemins divergents ; une vengeance posthume ; un médecin
bien peu sympathique à qui il arrive beaucoup d’ennuis,… Je me
suis aperçu récemment que les femmes étaient souvent des
personnages principaux ! Les histoires sont parfois racontées à
la première personne, parfois à la troisième.. Comme je vous l’ai
dit, j’essaie de varier les plaisirs. En espérant que cela reste
aussi un plaisir pour le lecteur !
J'aime savoir dans quelle environnement un auteur écrit. Une boisson
fétiche, une musique, un fauteuil particulier ?? chez vous ou
dans un lieu public ?? dites nous tout !!
Vous
allez être déçue… J’écris n’importe où, sans heure de
prédilection, quand ça vient (et pas quand ça ne vient pas !),
parfois la nuit quand une idée me réveille. J’aime bien écrire à
la campagne, mais aussi au milieu de tout le monde, je peux être
très concentré ! Parfois, j’écris même dans le train.
J’écoute de la musique, mais pas toujours, et pas un morceau
particulier. Pas de boisson particulière non plus (pas alcoolisé en
tout cas !). Vous voyez, c’est d’une banalité affligeante
(rire) !
J'ai l'impression que vous êtes tout le temps sur les routes pour
des salons ou des dédicaces à droite à gauche, à mon avis vous en
tirez un grand plaisir. Mais cela ne lasse pas un peu de temps en
temps même si cela fait parti du jeu de l'édition ?
Vous
avez tout-à-fait raison. Ce sont des moments de rencontre,
d’échanges très agréables avec des lecteurs, des retrouvailles
avec des amis écrivains, l’occasion d’en rencontrer d’autres.
En même temps, cela occupe beaucoup de week-ends (heureusement que
je n’ai plus de gardes !), au risque de perturber la vie de
famille et aussi le travail d’écriture ! J’essaie de ne pas
dépasser une certaine fréquence, mais c’est un passage obligé
auquel même les écrivains célèbres se plient.
Je suppose que vous avez déjà la trame du 8ème tome ...vous nous
donnez un petit os à ronger ?
Ma
« période réfractaire » a été un peu plus longue
cette fois pour de multiples raisons, dont certaines évoquées plus
haut : mon synopsis n’est pas encore finalisé, et le titre
non trouvé ! Je n’en ai donc pas démarré la rédaction…
Mais il commencera dans un château en ruines du pays de Galles (que
j’ai bien sûr visité), hanté comme il se doit, avec un gangster
très superstitieux, se poursuivra à Londres puis Paris, avec des
personnages déjà connus et d’autres nouveaux… A suivre !
Avez-vous un livre qui prend un peu de place sur votre table de nuit
mais dont vous ne pourrez vous séparer ?
Pas
un, quinze... Et la pile se renouvelle, lentement car il y a des
moments où je lis peu (notamment quand je suis en période
d’écriture).
Je vous laisse finir, une dernière petite chose à nous raconter ...
Il
y a une quinzaine d’années, en raison de ma nullité abyssale sur
le sujet, j’ai suivi un stage d’informatique de 3 jours à la Fac
de médecine des Saints-Pères. J’ai demandé à notre moniteur si
les salles de dissection où nous apprenions l’anatomie existaient
encore et si elles évoquaient toujours un décor de film d’horreur.
« Oui, m’a-t-il répondu ; d’ailleurs une fois il y a
eu un mort de trop ». « Ha ha, la bonne blague, ai-je
pensé ». Mais l’idée de la première scène de Meurtre à
la morgue germait dans mon esprit. Coup de téléphone au directeur
du pavillon d’anatomie, visite guidée (les salles étaient
effectivement inchangées et toujours aussi sinistres), photographies
(données à développer sans réfléchir au photoshop pendant ma
leçon de piano… Tête du vendeur quand je les ai récupérées !),
début de l’écriture, sans trop savoir où j’allais.
Huit
mois plus tard, alors que j’avais écrit le tiers du roman, je
rencontre un vieil ami médecin légiste lors d’une réunion
professionnelle. Je lui demande « Cette histoire de meurtre à
la Fac des Saints-Pères, c’est du pipeau, non ? ».
« Pas du tout, me répond-il, c’est moi qui ai fait
l’autopsie ». C’est ainsi que j’ai appris qu’il y avait
bien eu une jeune fille retrouvée découpée en morceaux dans le
pavillon d’anatomie, vers 1981… Comme quoi la réalité n’est
jamais loin de la fiction, même la plus extravagante…
Pas encore lu cet auteur...je sors viiite....
RépondreSupprimerNooooooooooooooooooon reste !!!!!!!!
Supprimernath ce n'est pas un péché... mortel !! ;-)
Supprimergénial merci , j'aime beaucoup les romans de Docteur K
RépondreSupprimer:) je suis contente que cela t'ai plu ... Bises Sabine
SupprimerJe n'en ai lu qu'un, mais pourquoi m'arrêter là, hein? Pourquoi? Très belle interview, Stéphanie...
RépondreSupprimerPeut-être parce que nous sommes débordés, nous, pauvres lecteurs, avec tous ces livres :p Merci Vincent bises
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